Un faubourg privilégié

D’où vient le nom de Coronmeuse ? Du latin Curvum Mosae, qui désigne un endroit longeant un méandre de la Meuse. Pendant tout le Moyen-Âge et les Temps Modernes, ce petit bourg profite de cette situation privilégiée sur le plan économique. Bien que situé à proximité de la Cité de Liège, il dépend alors juridiquement de Herstal. Il échappe donc aux taxes liégeoises sur la consommation et la production. Et… à l’impôt sur les boissons. Coronmeuse voit ainsi se développer dès le XIVe siècle le commerce des brasseries et autres débits de vin où, pendant plusieurs générations, de nombreux Liégeois viennent prendre du bon temps. On raconte aussi que certains d’entre eux y cherchent refuge pour échapper à la police du prince-évêque de Liège…

Luxe et beauté

Après être tombé entre diverses mains par héritages successifs, ce n’est qu’en 1740 que Coronmeuse est rattaché à la Principauté de Liège : le roi Frédéric II de Prusse force le prince-évêque – sous la menace de ses troupes – à racheter le hameau pour 200 000 écus. Une somme astronomique pour l’époque !

Cela ne freine pas le développement du faubourg, bien au contraire. De superbes maisons et hôtels particuliers sont érigés, dont certains impressionnent toujours aujourd’hui par leur imposante stature (voyez par exemple les immeubles situés aux numéros 19 et 26 de la place Coronmeuse).

Un nouveau quai, plus large, remplace aussi les berges naturelles de la Meuse qui servent de lieu de chargement des bateaux transportant le charbon : la ‘Promenade Coronmeuse’. Des files d’équipages de luxe et de simples voitures parcourent les voies charretières, et les dimanches et jours fériés, la population se presse dans les belles allées bordées d’ormes.

Marqué par l’Histoire

À la fin du XVIIIe siècle, pendant les guerres de la Révolution de 1789, la bourgade de Coronmeuse est le théâtre d’affrontements entre les troupes autrichiennes et l’armée française. Les unes et l’autre jettent des ponts de bateaux sur la Meuse entre Coronmeuse et la plaine maraîchère de Droixhe pour y faire passer hommes et artillerie. Ces manœuvres se soldent par l’entrée à Liège des troupes françaises le 27 juillet 1794, le jour même de la chute de Robespierre à Paris.

Bonaparte et les Liégeois  :  je t’aime, moi non plus

Toute la journée du 31 juillet 1803, les habitants des banlieues de Liège attendent l’arrivée en grande pompe du Premier Consul Napoléon Bonaparte et de son épouse Joséphine de Beauharnais, dont c’est la première visite à Liège. Ils s’agglutinent le long du parcours du cortège officiel qui, partant de Maastricht, doit traverser Herstal pour aboutir à la ‘Promenade Coronmeuse’ sur l’esplanade de ‘L’Étoile’.

Mais Napoléon n’arrive que le lendemain, vers 7 heures du matin. Fatiguée (certains sont restés sur place toute la nuit) et déçue par ce ‘lapin’ que leur a posé le futur empereur, la population réagit vivement lorsque le maire de Liège prend un arrêté pour transformer les noms séculaires des quais Saint-Léonard et de Coronmeuse en Cours Bonaparte. Tant et si bien que le Conseil municipal supprime trois jours plus tard ledit arrêté. Le bonapartisme des Liégeois a des limites !

Terre d'expositions

Un très long pont

La vocation de ‘terre d’expositions’ de Coronmeuse ne date pas d’hier. En 1930, Liège accueille l’exposition internationale organisée dans le cadre de la commémoration du centenaire de l’indépendance de la Belgique. Elle est avant tout consacrée à la grande industrie et aux sciences, le but étant de rendre compte des innovations qui ont eu lieu depuis 1830. À cette occasion, de grands travaux d’utilité publique sont entrepris au nord de la ville (Coronmeuse, l’île de Monsin et la plaine de Droixhe) pour mettre Liège à l’abri des inondations, la doter d’un port moderne et la relier directement à Anvers par le creusement d’un canal, le futur canal Albert.

Affiche 1930
Dossier pédagogique MAMAC Liège Expo & Expos, 2017

Parmi ces travaux, un nouveau pont est construit entre Coronmeuse et l’ancien champ de manœuvres de Droixhe. Avec ses 18 mètres de large et ses 315 mètres de long, le pont de Coronmeuse (aujourd’hui Pont Atlas) est l’un des plus longs ponts de la Belgique de l’époque.

Vitalité wallonne

L’inauguration de la prouesse technologique – mondialement reconnue – qu’est le canal Albert, est prévue pour le mois de mai 1939. Georges Truffaut, alors échevin des travaux publics à Liège, y voit l’opportunité de mettre sur pied une grande exposition sur le thème de l’eau et ses techniques : l’Exposition internationale de l’eau. Une manifestation qui, selon ses propres termes, « n’est pas un aboutissement, mais un point de départ. Elle nous apporte un éloquent témoignage de la vitalité wallonne. »

Un Palais permanent pour Liège

C’est ainsi que le jeune et ardent architecte en chef de la ville, Jean Moutschen, conçoit un bâtiment qui ajoute à la fois au prestige de L’Exposition internationale de l’eau et sert la beauté du quartier de Coronmeuse. Le Grand Palais est construit entre la Meuse et la place Coronmeuse, dans cette partie du quartier Nord qui connaîtra un grand et rapide développement à la suite de la création du port. Ce vaste édifice permet d’y organiser foires commerciales, salons d’art, congrès, concerts, événements artistiques et sportifs.

Le royaume des enfants

Que faire de ses enfants pendant que l’on visite l’Exposition de l’eau ? Le groupe de jeunes architectes liégeois L’Équerre, qui contribue au montage de l’exposition, a tout prévu : ils conçoivent la plaine de jeux Reine Astrid avec carrousels, pas de géant, échelle suédoise, barboteuses alimentées d’eau pure et limpide, grandes plages de sable marin…

Mais également un bâtiment accueillant où les enfants sont encadrés par un personnel qualifié. On y trouve un réfectoire, une cuisine des plus modernes, des vestiaires avec douches et toilettes, une infirmerie et un cabinet médical. Grâce aux larges baies vitrées, il se dégage une impression d’espace et de transparence de cet édifice baigné de lumière et ouvert vers l’extérieur, conçu pour en faire le royaume des enfants, des plus petits (2 ans) aux plus grands (16 ans).

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